L’option « No deal Remain » ouverte par la Cour de Justice de l’Union Européenne
Le 10 décembre 2018, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a lancé un pavé dans la mare du Brexit et peu de commentateurs, au-delà des experts du droit européen, en ont parlé. Nous sommes à quelques jours de l’échéance du 29 mars, date de fin de la période des 2 ans nécessaire aux négociations de sortie.
La CJUE, dans son arrêt, ouvre pour le Royaume-Uni la possibilité, à tout moment avant le 29 mars, de revenir sur sa décision de quitter l’Union Européenne (UE) et d’y rester dans les mêmes conditions qu’avant le déclenchement de l’Article 50 du traité de l’Union Européenne qui avait initié le Brexit.
La CJUE considère notamment que comme la décision de déclencher le Brexit a été prise de manière unilatérale, la possibilité de revenir en arrière peut être prise de manière tout aussi unilatérale. Concrètement, il suffit que le Parlement Anglais vote un mandat dans ce sens à la 1er Ministre, que celle-ci le transmette à l’Union Européenne (UE) pour que Brexit soit purement et simplement annulé.
Et ainsi, le Royaume Uni reprendrait sa place dans l’Union Européenne ainsi que toutes ses prérogatives, la première dans le temps étant sa participation à l’élection Européenne, ainsi que sa participation aux décisions qui engagent l’UE dans l’avenir.
Pourquoi ce « No deal Remain » est-il envisageable ?
Depuis le vote négatif du Parlement Britannique le 15 janvier actant un rejet massif du projet d’accord négocié pendant des mois avec l’UE et présenté par Theresa May comme le meilleur des accords. Les derniers allers retours de la 1er Ministre Britannique se sont soldés par une succession d’échecs.
De leur côté les européens ne souhaitent visiblement pas rouvrir une séquence de négociations après 17 mois de travail pour trouver un accord. En particulier, le sujet de la frontière ou « backstop » entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord a toujours représenté un point dur pour l’UE, et un point de blocage pour la République d’Irlande.
Dans le même temps, l’option de rallonger le délai au-delà du 29 mars 2019 semble lui aussi s’éloigner. En effet, face à des négociations au point mort, et vue qu’aucune alternative claire ne semble apparaître, l’utilité d’un report de date et de ses conséquences juridiques multiples a de moins en moins de sens pour les Européens, même si, cette option est de nouveau à l’ordre du jour coté britanniques.
Enfin, reste le « Brexit No Deal » : soit un Brexit sans aucun accord de sortie qui laissera de nombreux acteurs économiques Britannique sans solution vis-à-vis de l’Europe et inversement. L’exemple le plus souvent cité concerne les avions européens ou du Royaume-Uni qui ne pourront plus atterrir les uns chez les autres … ! Mais cela est vrai aussi sur les zones de pêche, ou les échanges commerciaux en général, sans parler « des Irlande » qui verraient une frontière s’installer. Cette perspective, à l’approche de la date fatidique du 29 mars fait de plus en plus peur des 2 côtés de la manche ou de la mer du nord.
La solution qui pourrait apparaître dans les derniers jours
En s’appuyant sur l’arrêt de la CJUE, le « No deal Remain » permettrait de casser le blocage actuel et la date du 29 mars, tout en laissant toutes les options ouvertes pour le Royaume-Uni. Et ce choix pourrait permettre au peuple Britannique de garder la main et de pouvoir décider de leur avenir.
Plusieurs options s’offriraient alors coté « Royaume-Uni » :
- Relancer directement via le parlement britannique – une demande de Brexit « sans passer par la consultation citoyenne » en re-déclenchant l’article 50 dans les semaines à venir et ainsi ré-ouvrir une « nouvelle » période de 2 ans de négociations entre le Royaume-Uni et UE.
- Relancer une consultation citoyenne, via une nouvelle procédure de référendum et donc refaire une « campagne « Remain » vs « Out ». Si ce vote abouti à un « Brexit » relancer Article 50 et si « Remain » le Royaume Uni reste dans l’EU.
- Ne pas relancer de débat sur ce sujet, laisser la situation de « Retour en Europe » comme si de rien n’était et « oublier » les 3 ans (consultation citoyenne, vote et négociations); option possible juridiquement mais certainement la plus difficile à gérer politiquement.
Et pour l’Union Européenne et les européens, ce potentiel retournement de situation avec le « No Deal Remain » aurait des incidences multiples :
- Sur le court terme, cela obligerait très certainement à reporter les élections européennes, à en refaire les listes pour tous les pays, les Britanniques récupérant leur quota de sièges au parlement.
- Cela obligerait aussi de revenir sur les décisions engageant l’Union Européenne pour l’avenir prises à 27 ces 2 dernières années auxquelles le Royaume-Uni ne participait plus du fait de son départ annoncé – en particulier la capacité retrouvée d’utiliser son droit de veto.
- Sur le long terme, on voit bien que l’arrêt la CJUE a ouvert la « Boite de Pandore » en permettant à tout pays en rupture ponctuelle avec l’UE de déclencher l’article 50 et de revenir quelques mois plus tard en provoquant à chaque fois une désorganisation « interne » de l’UE et aussi de son parlement.
- Enfin et plus globalement, le Brexit et ces soubresauts ont clairement mis en lumière que la rédaction de l’article 50 du traité de l’UE – peut poser un réel un problème dans le temps en laissant l’opportunité, d’une manière unilatérale, à un pays de dire qu’il part et lui laisser la possibilité de revenir à sa guise.
Conclusion
Un choix cornélien pour les Britanniques entre un saut dans le vide aux conséquences multiples en laissant le « Brexit No Deal » se passer, accepter un projet qu’ils jugent profondément imparfait et qu’ils ont déjà rejeté début janvier; choisir la position d’attente et d’ouverture pour le futur du « No deal Remain » ouvert par la CJUE.
Réponse dans les jours à venir.
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