Dossier | Les métiers de la distribution de l’information écrite, des savoirs, de la culture écrite et audiovisuelle. Disruption et/ou augmentation
La presse écrite connait une nette perte de vitesse au niveau de sa distribution papier. Dans le même temps, le nombre de lecteurs via le numérique est en forte augmentation, ce qui permet de maintenir voire d’augmenter le niveau d’audience.
Aujourd’hui toute la presse utilise les réseaux sociaux (Linkedin, Facebook, Twitter et éventuellement Instagram voir Snapchat …) pour la promotion et la diffusion de leurs contenus.
Revers de médaille et non des moindres, à l’heure de l’information numérique, la qualité de l’information qui y est transmise. Certains journalistes, contraints par l’immédiateté et l’instantanéité qu’imposent les réseaux sociaux, ont tendance à ne plus diffuser de l’information vérifiée, mais plutôt de l’événement ou du scoop, dans l’objectif du buzz à tous prix. Conséquence, la perte de valeur de ces informations non qualifiées, non vérifiées et potentiellement fausses ouvrent l’espace à d’autres plus dangereuses que sont les « Fake News » ou plus grave encore celles des réseaux complotistes.
A quoi correspond cette réalité (car comme dit le proverbe, le diable est toujours dans les détails). Les nouveaux moyens de distribution gratuite ou de ventes numériques, à l’acte ou à l’abonnement que la presse offre à l’heure des ordinateurs, tablettes ou smartphones progressent de manière très rapide. L’audience numérique a augmenté de 11,2% pour atteindre 17,2 milliards de visites en 2017 par rapport à 2016. Si on regarde « uniquement » sur la mobilité – c’est à dire : « tablettes + Smartphone » – on constate une augmentation encore bien plus forte avec +29,5% représentant 10,4 milliards de visites.
Dans le même temps, la diffusion en format PDF explose littéralement avec +42,3% soit un chiffre global de 245,3 millions d’exemplaires téléchargés contre une perte nette des versions papiers de 3,1% qui restent encore largement majoritaire avec un cumul de diffusion à 3,2 milliards d’exemplaires.
Le « papier » domine encore la diffusion de l’information écrite, mais pour combien de temps ?
Information élargie, abondante, mais quid de l’information de qualité ?
Comme cité plus haut, le numérique offre une capacité de diffusion de plus en plus large mais oblige une réactivité toujours plus grande. Cela engendre l’apparition d’article rédigé « à la va-vite » ou les journalistes prennent de moins en moins de temps à vérifier leurs sources et favorisent potentiellement le colportage de mauvaises informations ou hoaxs. Et cela est particulièrement d’actualité aujourd’hui par les critiques qu’ils reçoivent notamment des « Gilets Jaunes » même si c’est la presse audiovisuelle qui est en première ligne, mais c’est le métier de journaliste tout entier qui est impacté.
En cela la fonction de journaliste est à un tournant et quel sera le journaliste de demain ?
- Les articles seront créés par un robot – comme c’est le cas du WASHINGTON POST qui a utilisé une Intelligence Artificielle (IA prénomée « Héliograf ») qui est capable de générer des articles (850) à partir d’informations vérifiées ou pas – et le journalisme tel que l’on entend ne sera plus l’élément majeur des rédactions. Dans ce cas le métier de journaliste comme on le connait serait voué à disparaitre.
- Ou bien, le journaliste doit se recentrer sur sa mission de base à savoir la vérification de la qualité de l’information et de ses sources. En cela, il pourra certainement être aidé par d’autre IA dont les algorithmes auront pour objectifs la recherche des informations de qualité ou de qualification des sources. Ces outils numériques permettront aux journalistes qui les utiliseront d’associer rapidité et qualité. On pourra ici parler de « journaliste augmenté ».
Dès aujourd’hui, les écoles de journalisme (comme l’EFI) l’ont bien compris en intégrant dans leurs formations la possibilité de devenir un journaliste dit numérique (comprendre les enjeux du numérique, maitrise des outils du numériques, fabrication de contenus viraux : photos, vidéos et articles courts …), tout en maintenant les fondamentaux du métier (Travail de recherches d’information, de qualification des informations et sources, etc … ).
Il est important d’indiqué que dans le même temps, le numérique a permis de voir émerger une nouvelle forme de concurrence avec de plus en plus de contributeurs indépendants – sans carte de journalisme – diffusant leurs avis, tribunes, recherches et commentaires sur différentes plateformes web : sites web, blogs et autres réseaux sociaux. … Ils seront eux-mêmes très certainement aussi soumis à terme à une obligation de qualité de leurs informations.
Quid de l’avenir des kiosques ? (Exemple parisien)
Expérience originale dans ce contexte, la mairie de Paris a décidé le déploiement de 360 nouveaux kiosques à journaux en remplacement des anciens, dans l’objectif de relancer la vente de la presse papier dans la capitale. Les premiers retours annoncent une augmentation des ventes de 7% qui semblerait montrer que les points presses de proximité seraient un bon support de distribution et qui iraient à l’encontre de la baisse des ventes globales constatées dans ce secteur. A vérifier après l’installation complète de tous les nouveaux kiosques en 2020.
Dans le même temps, de nombreux site web comme kiosquemag.com ou encore lekiosk.com proposent des services d’abonnements à divers journaux et magazines.
La « bataille » entre papier et numérique n’aura peut-être pas lieu ; nous y voyons ici une forme de synergie ou les deux modes viendront se compléter des cotés distributions, diffusions et audiences.
Conclusion et Prospective
La presse écrite traverse une zone de turbulence ; loin d’être illégitimée elle est à la croisée des chemins.
Bouleversée par l’arrivée des outils numérique (web, site internet, …) voilà 10 ans, accélérée et aggravée ces derniers temps avec l’apparition des blogs et des réseaux sociaux, l’espace de diffusion de l’information écrite n’a pourtant jamais été aussi grande. Cependant, la multiplicité et la rapidité de diffusion de l’information a largement contribué à diluer l’information dite de « qualité, vérifiée voire scientifique », elle se trouve mélangée à celles douteuse, fausse telles que les « Fake News ».
Ce phénomène associé à des nouvelles techniques telles que le « trolling sur les réseaux sociaux » qui permet de relayer en masse des informations souvent douteuses et leurs donner une image de vérité car elles sont relayées un grand nombre de fois, font la part belle aux « théories du complot » qui se développent de plus en plus via tout l’espace numérisé.
Il apparait clair que la « bataille de demain » sera certainement moins entre la « presse papier » et le « numérique » – qui ont une vraie synergie – que celle qui va opposer « l’information de qualité » à celles « douteuses ou erronées ».
Un challenge à relever par le journalisme et tous les producteurs de contenus rédactionnels.
Clémence de Lambert
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