Février 2025, autour de la table de négociation, Trump et Poutine tentent à deux le remix d’une scène vécue 80 ans plus tôt, entre le 4 et le 11 février 1945. Au menu, le partage du monde entre vainqueurs. A l’époque la Grande Bretagne est de la partie. Nous sommes en Crimée. La discussion porte sur la défaite programmée des Allemands. L’objectif, organiser le monde et les zones d’influence de chacun.
La France fait alors partie des futurs vaincus, pas des vainqueurs. Ses dirigeants ont accepté en 1939 la défaite, la soumission, l’allégeance. La France est sous domination américaine. À la libération, il est prévu d’implanter une administration américaine, une monnaie commune, le dollar français est fabriqué et diffusé, courtement. À la mémoire courte, l’histoire longue rappelle quelques faits.
Ce que Roosevelt n’a pu accomplir, Trump pourrait-il le réussir ? C’est une hypothèse qu’il serait imprudent d’effacer hâtivement. Trump semble vouloir revenir sur le continent Européen et annexer ses richesses sans se battre, par intimidation. Les terres aujourd’hui indépendantes sont des terres dont il veut s’assurer l’exclusivité de l’exploitation, au chantage. La ruée vers l’or devenue ruée vers d’autres métaux précieux, essentiels au bon fonctionnement de l’industrie de demain, suit les mêmes règles. Il n’y en a pas. La loi du plus fort s’impose.
Il ne veut pas s’encombrer des populations, qu’il laisse volontiers à Poutine. À la Russie de gérer les problèmes inévitables de contestation et de déplacement des populations locales. Ils savent gérer, ils ont des process établis, bien rodés. En cas de problèmes de multiples choix s’offrent à eux. Histoire encore, l’Holodomore, famine qui décima entre 4 et 6 millions d’Ukrainiens en 1932 fut organisée par Staline, aux fins de soumettre la population récalcitrante.
Une réussite que les Européens pourraient compromettre. La voix de Trump est claire, sans ambiguïté. Les Etats-Unis n’ont rien à promettre. Le chantage est un deal perdant-perdant. Aucune garantie de solidité du pacte qui pourrait être conclu. La contrepartie est absente.
La parole des belligérants n’est en aucune manière un engagement. Ils se sont employés à montrer qu’elle n’a aucune valeur sur la scène nationale et international. Leurs engagements n’engagent que ceux qui les signent avec eux.
Ils ne s’en cachent pas. Lors de récentes conférences de presse ils en ont même fait une signature. « Certaines choses que je dirais seront vraies, d’autres fausses. » avait déclaré Elon Musk. En Ukraine le choix est établi : mourir en combattant, ou mourir sans combattre est la seule alternative proposée. Les Européens, mais aussi les Canadiens ont soudain pris la mesure du danger, et réévalué la portée de leurs alliances. Plus forts ensembles prend alors tout son sens face à l’absurdité de comportements difficilement gérables.
À l’heure du Brexit, les Anglais se retrouvent privés de leurs alliés d’hier et d’aujourd’hui. La recomposition imposée par la dissolution des règles que l’on croyait établies pourrait être en marche. Déjà quelques décisions montrent qu’il est possible de se passer de cet allié devenu adversaire. La décision des Trump de quitter certaines bases américaines, notamment en Grèce donne l’occasion d’une recomposition et d’un resserrement entre des partenaires européens qui savent que la défense n’est pas seulement qu’une ligne budgétaire inutile.
L’économie était mondiale, la défense était un superflu de parade. Mais les temps changent. L’arrivée de Trump X.0 a rétréci les marges de manœuvre, compliqué les échanges. Les habitudes de consommation peuvent changer, à l’ère post-Covid, les produits de substitution existent. Trump n’ouvre pas la voie d’une révolution, il accélère une évolution qui pourrait ternir durablement l’attractivité des Etats-Unis et de leurs produits. Que ce soit de produits de consommation courante ou des produits de luxe, on constate l’efficacité des mouvements boycott au Canada. Tesla devient synonyme de honte.
Le retournement de tendance est un des plus grands risques, non pour Trump, mais pour tous ceux qui ont financé son arrivée au pouvoir. Yalta version 2025 ne serait alors qu’un Waterloo contemporain.
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