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Ecosystème validé, l’eSport trouvera-t-il sa gouvernance mondiale ? 

Contraction du terme anglais electronic sport, (« sport électronique »), l’eSport désigne la pratique des jeux vidéo où le joueur affronte, seul ou en équipe, d’autres joueurs. Cette discipline rassemble des millions de fans partout dans le monde et les compétitions se multiplient.

Historique

L’eSport a connu un essor phénoménal ces dernières années, mais le phénomène est loin d’être nouveau ! Des tournois se déroulent comme de véritables shows. On a pu assister aux premières « joutes » dès les années 70.

Lors de ces LAN Party (compétitions en réseau local), les joueurs amenaient leur propre ordinateur pour s’affronter nuit et jour. Elle se sont multipliées à la fin des années 90. L’arrivée d’une connexion internet plus performante a évidemment donné à l’eSport une dimension globale, connectant les joueurs du monde entier.

L’ESWC, l’Electronic Sport World Cup, a organisé sa première compétition en 2003 au Futuroscope de Poitiers. Aujourd’hui, il est l’instigateur de nombreux tournois en France et à l’étranger sous le nom d’Esports World Convention. Aujourd’hui, sa forme économique est très liée à l’entertainement comme le montrent les shows organisés dans le monde entier.

Développement croissant et économie en pleine mutation

Preuve du développement de l’eSport en France, les finales du Championnat du monde de « League of Legends » ont eu lieu à Paris, le 10 novembre 2019. Il s’agit du plus grand événement au monde dédié au eSport : il attire plus de 15.000 spectateurs. En 2018, plus de 99 millions de personnes ont regardé le match, diffusé à la télévision et remporté par une équipe chinoise. Du côté des joueurs c’est aux Etats-Unis qu’ils sont le plus nombreux.

Selon les dernières données Statista, 4.612 joueurs de compétitions d’e-sport ont ainsi été recensés outre-Atlantique en 2019. En France, quatrième pays du monde, ils sont 935. Certains gagnant près de 25 000 euros par mois.

Avec ce boom de l’eSport son économie, basée jusque-là sur le sponsoring, évolue, elle aussi, à grande vitesse. 2016 marque un tournant avec l’arrivée en Occident des investisseurs déjà présents en Asie, les entités sportives et financières. En premier lieu, les clubs de football, en France, le PSG, en Allemagne, Schalke 04, aux Pays-Bas, l’Ajax d’Amsterdam, mais aussi des personnes, comme l’ancienne star de NBA Shaquille O’Neal, des consortiums d’entreprises et d’hommes d’affaires ont racheté des structures (H2K, Immortals, NRG eSports, Team Liquid, etc.). En 2020, l’e-Sport est valorisé un milliard de dollars, soit la taille du marché mondial du tennis. L’e-sport s’empare du monde. Et écrase tout : trois milliards d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier dans le monde, cinq fois plus que deux ans auparavant. Au total, en 2019, l’industrie du jeu vidéo a cumulé 120 milliards de dollars de chiffre d’affaires, dépassant l’industrie du cinéma ou de la musique.

Les entreprises ne s’y sont pas trompées et ont investi. Ainsi, Amazon a acquis Twitch, la plus grande plate-forme de streaming e-Sports aux États-Unis et en Europe pour la modique somme de 970 millions de dollars en 2014. Autre chiffre pour comprendre le phénomène : l’eSport réunirait 191 millions de fans à travers le monde (75% d’entre eux sont âgés de 18 à 34 ans). Pour pouvoir se faire une idée précise, à titre de comparaison, la NFL n’en réunirait que 135 millions. Enfin, les revenus totaux générés ont, en 2017, augmenté de 41% pour atteindre 696 millions de dollars.

Début de régulations et tentative d’harmonisation de la gouvernance ?

Pour tenter de contrôler ce soudain développement et éviter les dérives, des organisations telles que la FSIE (Fédération Internationale de Sport Électronique), créée en 2010, ont été mises en place pour promouvoir cette discipline.

Ce phénomène rappelle celui des sports de plage par exemple, qui ont finalement succombé et ont été « récupérés par les instances sportives ».

Ainsi, le Comité Olympique en 2016 a reconnu l’eSport comme un sport et ouvre le dialogue autour de l’intégration de la discipline pour les JO 2024 de Paris. Cette initiative, loin d’être loufoque, a entraîné immédiatement la création de l’Esport Integrity Coalition pour surveiller sa professionnalisation et éviter notamment les cas de dopage. Mais sans surprise, la FSIE se livre une guerre avec les opérateurs de jeux. En effet, ces derniers ne semblent pas avoir besoin du sport pour se développer.

Les fédérations sportives voient la manne financière que pourrait leur rapporter l’eSport, mais à l’inverse, l’eSport y a-t-il un intérêt ? En effet, l’eSport s’est développé jusqu’ici sans le sport et compte bien poursuivre sans lui.

L’eSport, lui, peut se développer sans le sport.

En effet, le plus célèbre des jeux, League of legend (LoL), qui a fêté ses dix ans en octobre 2019, est à mi-chemin entre la capture du drapeau et le jeu de rôle. L’objectif est de prendre le contrôle de la base de l’autre, suivant 3 chemins prédéfinis que doivent parcourir les personnages. Seul jeu développé par le studio Riot Games, il doit son succès à l’attention portée à la communauté de joueurs.

De même, durant cette décennie, de nombreux enrichissements successifs ont été apportés, avec des personnages et des décors souvent renouvelés. League of Legends est gratuit et se télécharge en ligne, dans la même veine que Fortnite, autre poids lourd du secteur, mais ce dernier attire des fans beaucoup plus jeunes.

Et pour cause, LoL existe depuis plus longtemps, et n’a pas de version mobile, prisée par la nouvelle génération de gamers. Pour s’enrichir, Riot Games compte sur les ventes d’objets dans le jeu avec une moyenne entre deux et sept dollars par achat, le budget atteint plusieurs centaines de dollars en quelques années. Mais Riot Games a surtout investi dans le marché de la compétition. Selon les estimations les revenus du studio s’élèvent à 20 milliards de dollars en dix ans.

Réseaux sociaux

Dans un rapport de 2019 publié par StreamElements et Arsenal.gg, on découvre que la croissance du streaming est de 12%. Twitch est la plateforme qui obtient les meilleures performances, et donc qui contribue grandement à la croissance de cette catégorie de diffusion. Mais il est aussi à noter l’importante augmentation de fréquentation chez Facebook Gaming. En effet, entre décembre 2018 et décembre 2019, la plateforme a vu ses heures de visionnage augmenter de 210%.

Ecosyteme se developpe ausssi avec écoles et formation

Enfin, ultime preuve du développement du domaine de l’eSport, il existe même aujourd’hui des formations. La Paris Gaming School, fondée par un ancien joueur professionnel, Gary Point, est entièrement dédiée aux métiers de l’eSport. Basée à Montreuil (Seine-Saint-Denis), cette école se penche sur de nombreux métiers, tels que manager, coach, analyste, cyber athlète, community manager, blogueur, commentateur, organisateur d’événements. Elle fait également découvrir le secteur des éditeurs de jeux, des sponsors et des « streamers », les diffuseurs qui permettent aux spectateurs de regarder les tournois via Internet. Un MBA spécialisé vidéo game management et un mastère production et marketing du jeu vidéo sont aussi proposés à l’IIM (Institut de l’internet et du multimédia), à Paris-La Défense. Les cours sont dispensés par le joueur professionnel, Kevin Ghanbarzadeh, connu sous le nom de Shaunz.

Prospectives : l’eSport n’a pas besoin d’une gouvernance mondialisée

Contrairement aux fédérations sportives qui fonctionnent dans un système de gouvernance « topdown » : c’est-à-dire qui est mondiale et redescend (continent, puis pays, régions…)

l’eSport semble plutôt se diriger vers une non-gouvernance comme peut le faire la boxe, une institution non unifiée qui distribue une myriade de ceintures.

En effet, pour les acteurs indépendants semble n’avoir aucun intérêt à dépendre d’une institution mondiale telle la FIFA pour le football.

L’eSport pourrait plutôt fonctionner comme la FISE en ski, un festival qui rassemble tous les sports extrêmes, dans une approche « bottom up ».

L’eSport restera donc sûrement ce puzzle où chaque détenteur de tout développera son business pour sa communauté. Reste à savoir si l’écosystème actuel, plutôt patchwork (chaque jeu / éditeur / sponsor privé développe son propre événement) aura besoin, à l’avenir d’une gouvernance mondialisée pour harmoniser les tournois et trophées ?

 


Marie-Eve Wilson-Jamin

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