Télétravail exigé, désengagement de l’entreprise, méconnaissance voire refus d’accepter les codes du travail, comment cohabiter avec une génération que l’on croit perdue ?
Si les clichés sur les membres de la Génération Z semblent déjà avoir une certaine prégnance dans le débat public, il serait malvenu à l’inverse de nier toute différenciation générationnelle, sinon fracture, entre les classes d’âge au sein de l’entreprise en particulier, et du monde du travail en général.
Le terme de Génération Z, qui engloberait les individus nés entre 1997 et 2010, n’est peut-être pas réellement approprié. Plus qu’une problématique temporelle, la question de l’existence d’une génération COVID, de cette classe d’âge qui a intégré le marché du travail pendant ou après la crise sanitaire, pourrait offrir une analyse plus précise et une explication de certaines des raisons qui semblent nourrir cette relation conflictuelle au travail. Pour nommer le principal facteur différenciant, le télétravail.
De la manière la plus synthétique possible, cette génération a accès, voire même voit comme un droit, une flexibilité du travail qui semblait pour de nombreux secteurs impensable il y a quelques années. N’être présent au bureau qu’une faible majorité de jours ouvrés, choisir le cas échéant dans une relative liberté de venir, ou pas, au « travail » est une chance que n’avaient pas même les générations les plus proches en âge de cette génération COVID.
Difficile dès lors de ne pas comprendre une certaine incompréhension, une certaine rancœur peut-être également de celles et ceux qui n’ont pas pu, pour des raisons de conjoncture économique d’une part, et pour une raison purement chronologique de l’autre, bénéficier d’une telle liberté.
Là où le travail et ses codes semblait pour les « anciens » imposés, l’exubérante liberté revendiquée par la génération COVID a de quoi choquer et favoriser l’émergence de tensions.
De fait, au-delà du seul télétravail, le découplage entre lieu et travail impacte également l’apprentissage des codes, certes parfois surannés, de l’entreprise. La déférence à la hiérarchie, l’esprit corporate d’attachement à l’entreprise, voire une certaine crainte de ne pas produire le travail attendu, sont fortement liés à cette idée de l’espace de travail où le « supérieur » s’apparente au surveillant, à la figure d’un sachant qui est également juge.
Lorsque cette relation devient virtuelle et la tonalité des échanges est transformée (évolution louable suite aux différentes affaires qui ont mis en lumière les mécaniques du harcèlement dans l’entreprise), le rapport au travail change également, prenant une place moins prépondérante au sein du quotidien.
Il est ainsi intéressant de voir que selon une récente étude Terra Nova -APEC, le rapport au travail semble être similaire lorsque jeunes et moins jeunes sont interrogés, notamment sur l’importance du travail dans leur vie. Ressenti individuel n’est pas forcément réalité cependant, et le changement de paradigme induit par le télétravail pourrait expliquer pourquoi cette idée que les « jeunes ne veulent pas travailler » est si prégnante.
Coupons la poire en deux et avançons peut-être qu’ils veulent travailler différemment. Être associé aux décisions, voire être plus tôt décisionnaires, attendre un engagement extra-financier de l’entreprise sur les questions sociétales et environnementales, parmi d’autres attentes, semblent dresser le portrait de ce « nouveau collaborateur ».
Des attentes parfaitement compréhensibles, qui dessinent probablement l’évolution du travail de la décennie à venir, mais qui ne peuvent pas forcément être aussi rapides qu’attendues.
De manière surprenante c’est peut-être cet attachement à des attentes individuelles, voire à de nouveaux droits, qui définira demain cette génération, non comme une génération perdue mais comme le précurseur d’une nouvelle forme de rapport au travail.
Quentin Capelle
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