80 ans après le plus jamais ça et les 60 millions de morts, civils et militaires, qui ont motivé, justifié la création d’organisme de protection tel que l’ONU pour empêcher que cela recommence, la guerre est de nouveau en Europe et les tensions sont fortes en Asie. Les enseignements récents de ce conflit sont que la Russie et ses dirigeants ont décidé de rebattre les cartes et de remettre leur pays dans le centre de la géopolitique mondiale, l’Ukraine est un moyen d’y parvenir, quoique qu’il en coute.
Comment cela a-t-il était rendu possible ?
Les deux poids deux mesures de l’Occident et de son maitre – les USA
Depuis 2001 et la chute des tours du World trade center, l’Occident et l’Amérique en tête a montré des signes évidents de faiblesse. En multipliant les erreurs puis les faiblesses dans un monde en pleine mutation, l’Occident triomphant de la guerre d’Irak de 1991 est en train de disparaitre.
La décennie 1990-2000 avait déjà montré les limites de l’intervention des forces Onusiennes. Les conflits qui ont agités les Balkans puis l’Afrique on fait apparaitre la difficulté de l’ONU à empêcher crimes de guerre, nettoyage ethnique ou encore génocide comme au Rwanda en 1994. De plus, les années 2003 et 2011 seront marquées par 2 évènements graves qui ont montré la difficulté des occidentaux à s’appliquer les mêmes règles qu’ils imposent aux autres.
2003 la deuxième guerre d’Irak, dont on sait aujourd’hui que les preuves justifiants cette intervention ont été montées de toute pièce par les américains et ce fut une fracture majeure entre les USA, alors maitre incontesté du Monde, et beaucoup d’autres pays.
L’intervention Anglo-Française en Libye de 2011, avec un mandat restreint de l’ONU (résolution 1973), dont l’objectif principal était la protection des civils et non pas une intervention militaire visant à faire chuter le régime de Mouammar Kadhafi et à le tuer. Kofi Annan, ancien Secrétaire Général de l’ONU, regrettera plus tard que le principe de la « responsabilité de protéger » ait été dévoyé par les français et les anglais et ait donné aux russes et aux chinois le sentiment d’avoir été dupés alors même qu’ils n’avaient accepté de signer cette résolution que pour son aspect humanitaire.
Ces deux erreurs ont simplement fait comprendre à ces deux grandes nations et au monde entier que les membres du conseil de sécurité étaient intouchables et que les lois ne s’appliquaient qu’aux autres, en particulier les petits, notamment au niveau de la Cour Pénale Internationale. Que l’on pouvait, si l’on était assez fort, mentir pour justifier une intervention ou utiliser l’ONU pour ses propres desseins.
La fin des lignes rouges et la débandade des USA en Afghanistan
2 autres dates sont marquantes dans le changement du rapport de force mondiale.
Le 31 août 2013, les Etats Unis, entrainant la France, renoncent à bombarder la Syrie après une attaque chimique massive sur la banlieue de Damas. Le Monde comprend alors que les lignes rouges fixées et répétées peuvent être dépassées sans conséquence et que le gendarme du Monde ne l’est plus vraiment. Les USA d’Obama lâchent la Syrie. A partir de ce moment-là et à défaut d’un vrai chef, chacun cherchera à jouer sa partition.
Le 30 août 2021, les USA de Biden lâchent l’Afghanistan et les Afghans. Les militaires américains quittent le pays et le laissent aux Talibans qui reprennent le pouvoir. Les images de l’aéroport de Kaboul, où les derniers avions d’évacuations cherchent à décoller avec des centaines de personnes accrochées aux ailes ou aux trains d’atterrissages ont fait le tour du Monde.
Les USA sont ridiculisés et le gendarme du Monde n’est plus.
Plus grave, le scénario de cette opération ratée est signée Trump et la réalisation Biden. Tout ceci n’augure rien de bon quelques soit le nouveau Président élu en novembre.
Le gang des opportunistes et le troupeau des observateurs.
Comme les russes 30 ans plus tôt les américains ont été expulsés d’Afghanistan.
Les USA ne sont plus le principal suzerain du monde, maintenant tout est ouvert. Pourtant, depuis 30 ans, la vie était simple, on connaissait les règles, les USA dominaient et il fallait être gentil avec eux et leurs alliés pour éviter le plus possible d’avoir à supporter leurs capacités de nuisance, notamment les sanctions économiques.
Seule la Chine se positionnait en concurrente, non sans difficultés. Ne voulant pas rester à la traine, la Russie a été la première à sortir du bois avec son opération spéciale dont l’échec a obligé de se positionner plus vite que prévu à l’International et à rebattre les cartes mondiales si bien établies, ouvrant ainsi le champ des possibles.
Les pays du Sahel l’ont vite compris, et ont choisi la Russie au travers de leur bras armé « Wagner » en Afrique pour les aider, en expulsant la France et ses militaires. Le Niger a engagé le pas avec la France et vient même de décider l’expulsion des troupes américaines au profit de la nouvelle force russe en Afrique « l’Afrika corps » qui remplace le groupe Wagner. L’analogie historique ne saurait nous échapper et est certainement voulu pour montrer que tout est possible pour la Russie. Ces nouvelles juntes militaires ont choisi leur camp. D’autres suivront certainement.
Pour certain, la guerre entre la Russie et l’Occident est une opportunité que l’on peut utiliser comme le font la Chine, l’Inde, la Turquie, l’Afrique du Sud ou le Brésil en faisant valoir leurs capacités d’influence qu’elles soient positives ou négatives.
Pour les autres pays, l’observation (notamment ceux qui se sont abstenus lors des motions condamnant la Russie pour l’invasion de l’Ukraine) et l’attente est de rigueur car il ne faut pas se fâcher ni avec les anciens ni avec les nouveaux puissants, surtout dans cette période d’incertitude où des nouveaux camps se construisent. Surtout que les positionnements géopolitiques des grands pays vont certainement encore se radicaliser et donc les conséquences pourraient être grave.
Néanmoins, dans les mois et années qui viennent, choisir son nouveau suzerain sera particulièrement importante pour beaucoup de pays. Ils le feront en fonction de leurs intérêts et des risques géopolitiques et économiques potentiels, bâtissant ainsi les bases d’un éventuel nouvel ordre mondial. Pour cela, il faudra attendre que la bulle de l’expansionnisme militaire arrive à son terme ou explose.
Dans le même temps et si elles veulent perdurer et éviter un nouveau conflit majeur, les grandes institutions mondiales construites à la fin de la dernière guerre mondiale devront se rénover, voire se transformer en profondeur pour répondre aux nouveaux enjeux géopolitiques du Monde.
Philippe ROUGER
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