L’Institut PRESAJE a abordé ce sujet, il y a cinq ans, en publiant, chez BRUYLANT*, dans la collection Micro Droit – Macro Droit dirigée par Thomas CASSUTO, le remarquable ouvrage de Viviane de BEAUFORT, « Entreprises stratégiques nationales et modèle économique européen », dont Madame A.M. IDRAC, ministre du commerce extérieur avait rédigé la préface, et moi même la post face. Le temps passé depuis cette publication exige de faire un point d’actualité.
Rien n’a changé. La France des traités européens reste attachée à une conception nationale de la propriété des entreprises dites stratégiques, face à une mondialisation économique qui reconnait plus facilement les grands marchés continentaux, seuls capables d’exercer une capacité concurrentielle dont les petits marchés nationaux sont démunis.
Par exemple :
Alstom, reine des débats politiques en cet automne 2017, a subi une double peine. Elle a été victime de la malédiction des entreprises stratégiques étatisées françaises, des 3 A, Alcatel, Alstom, Areva, qui cherchent leurs stratèges quand c’est trop tard, après avoir perdu beaucoup d’argent. Au surplus, dans le cas de l’industrie ferroviaire, le principal acheteur des trains fabriqués par Alstom restant l’Etat Français, le fabricant a du tenir compte de la stratégie hésitante de sa cliente, sur endettée comme son propriétaire, l’Etat.
Sur ce sujet de la stratégie du ferroviaire, permettez moi de revenir à l’automne 1950. Jeune entrepreneur qui voulait re vivifier son pays, j’ai passé avec la SNCF un contrat de remplacement de 150 kms de lignes de chemin de fer marchandises par des camions. Lors de la présentation du projet aux syndicats de cheminots, j’ai assisté à un dialogue musclé entre eux et le directeur local des « Chemins de fer » comme on disait à l’époque.
« Dis moi, directeur, tu es un cheminot comme moi. Les chemins de fer sont la propriété du peuple, c’est une propriété stratégique dont nous sommes les gardiens pour les Français. Tu n’y toucheras pas. Le pays saintongeais a besoin de nous pour éviter qu’il devienne un désert social. Réponse du directeur : avec quel argent ? On s’en fout. On est payés pour mettre du charbon dans la chaudière, toi pour mettre des impôts dans notre budget ».
Qu’y a t’il de changé, 67 ans plus tard, dans le dialogue social à la Française ? Peu dans la forme, mais beaucoup dans le fond. Cette malédiction aggravée ne s’est pas répandue au-delà des années 80. Elle a progressivement épargné les grandes filières Françaises, l’agro alimentaire, la viticulture, le bois, les travaux publics et la construction, le tourisme et les loisirs de masse, le sport, le Luxe et l’hyper commerce, mondialisés, sans oublier demain, qui verra nos capacités nationales, non étatisées, affronter les marchés du digital.
Certes, la France a été écartée de l’industrie métallurgique lourde qui aurait eu sa place en Europe, si ses dirigeants avaient compris qu’une entreprise stratégique, dans la mondialisation, ne se définit pas à partir d’un territoire et du pouvoir qui s’y exerce mais à partir d’un marché, des chances et des moyens à rassembler pour y prendre sa place …. Et la conserver. L’automobile le démontre, installée qu’elle est partout. Sans perdre son caractère stratégique grâce aux stratèges qu’elle a su recruter, à temps.
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Rejoignions l’ouvrage de Viviane de BEAUFORT, professeur à L’ESSEC, dont la conclusion a été achevée avant Noel 2010. A l’époque, les pays rassemblés par les traités vivaient la crise financière, parfois dramatique, provoquée par l’hyper spéculation des Etats Unis. Les Institutions communautaires vivaient les dérapages de l’endettement des nations qui se libéraient de leurs engagements. Il fallait repasser par le cap d’une bonne espérance.
Aujourd’hui, la crise est derrière les dirigeants renouvelés, en Occident et en Europe – sauf en Allemagne -l’horizon s’éclaircit. L’Europe des traités va connaitre une pause. Les institutions ont du pain sur la planche, pour plusieurs années. Elles vont être écartelées entre la séparation imposée par le Brexit et la cohésion réclamée par les peuples continentaux, qui veulent une harmonisation, entre eux, du social et du fiscal, pour adhérer à l’avenir.
Or, dans le traitement communautaire de ces déchirements, souvent culturels, comment éviter le débat sur la stratégie économique commune qui commande la réussite sans laquelle
les institutions seront impuissantes pour fournir ce que l’on attend d’elles. Les choses ne sont pas simples car l’Europe est restée imprégnée par l’économie industrielle du 20ème siècle née du charbon et de l’acier, ce qui a fait son succès, plus en Allemagne qu’en France.
Un nouveau modèle économique se dessine au sein duquel les PME et le PMI, rassemblées en filières, occupent le marché continental présenté comme le 1er mondial. Elles sont l’équivalent de ce que fut le charbon et l’acier pour le modèle économique précédent. C’est ce qu’ont compris les chinois en achetant des PME-PMI en France, dans les « filières » du 21ème siècle, tourisme, viticulture, bois, sport, etc, en toute discrétion
Une question, posée, en conclusion, dans la post face de l’ouvrage de 2010, sur l’avenir des filières et des PME – PMI Françaises montrait déjà à quel point le déclassement économique entre l’Allemagne et la France inquiétait. Il est plus qu’urgent d’y remédier.
Cette situation permettrait t’elle aux pays de la zone Euro, en commençant par la France et l’Allemagne, de développer des secteurs stratégiques communautaires, Européanisés, en sachant garder l’image qualité du producteur national, qui vit dans le produit ou le service rendu ?. La réponse a été OUI, à plusieurs conditions
- Que la France qui dispose des compétences technologiques, financières, juridiques et logistiques, agrégées par des systèmes de gouvernance à tendance étatiques, accepte, de les mettre au service des structures économiques des grandes et petites entreprises qui ont vocation de s’installer sur le marché mondial. Sans chercher à les faire gouverner par l’Etat.
- Que la France accepte, à défaut de politique industrielle reposant sur des monstres étatisés, d’aider à l’émergence des filières du secteur des PME-PMI, elles mêmes européanisées pour mieux affronter la concurrence mondiale.
- Que l’Hexagone, remarquable par la forme et la nature de territoires qui lui offrent une production équilibrée entre le Primaire agricole, viticole, devenu agroalimentaire, le Secondaire manufacturier industriel, le Tertiaire commercial et touristique et le Quaternaire de la société de la connaissance et des loisirs, accepte que les investissements souvent risqués pour ce développement ne soient pas freinés par, un système bancaire trop orienté vers le financement de la dette de l’ETAT.
- Que le principe de précaution ne soit pas un principe d’abstention.
- Que les systèmes de régulations économiques, administratives, juridiques, fiscaux, comptables et surtout judiciaires s’adaptent au retour d’un secteur à part entière, ls PME-PMI, européanisé, comme les grandes sociétés du marché mondial.
C’est à ce prix, qu’en conjuguant nos efforts nous pourrons espérer l’Europe des adhésions.
Mais le peuple Allemand ne se laissera pas prendre la place qu’il a conquise au prix de tant d’efforts pendant la première décennie du XXIe siècle. Il observe, depuis 30 ans, le manque de persévérance et la difficulté à accepter les efforts, voir les sacrifices à consentir, par un voisin Français qui s’est laissé distancer et déclasser.
On retrouve, 80 ans plus tard, le débat entre le beurre – le bonheur du peuple – et les canons – la puissance de la Nation. N’en rajoutons pas. En perdant sa puissance la France de 2017 a perdu son beurre. Et terminons sur une réflexion optimiste.
La période actuelle semble favorable à l’harmonie intellectuelle entre personnes de générations et de sexes distincts. Puisse cette évolution inspirer le couple Franco Allemand à la recherche de L’EUROPE des ADHESIONS.
Michel Rouger
Président fondateur
www.presaje.com
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